Les phages pour combattre la résistance aux antibiotiques

L'utilisation abusive des antibiotiques entraîne une pression sélective, de sorte que les bactéries deviennent de plus en plus résistantes et persistantes. Il s'agit d'une problématique sérieuse. La thérapie avec les phages pourrait être la solution.
Les phages pour combattre la résistance aux antibiotiques
María Muñoz Navarro

Rédigé et vérifié par la biologiste María Muñoz Navarro.

Dernière mise à jour : 22 août, 2022

De nos jours, la résistance aux antibiotiques représente un problème grave pour la santé publique. Les phages pourraient résoudre le problème.

L’abus des antibiotiques, ainsi que leur mauvaise utilisation sont les principales raisons pour lesquelles les bactéries subissent des mutations et acquièrent des gènes multirésistants. Cette capacité leur permet d’échapper aux effets des antibiotiques, en proliférant et en se développant en leur présence.

Nous évoquons ici l’une des thérapies les plus intéressantes pour combattre cette problématique. Poursuivez donc votre lecture pour en savoir plus !

Qu’est-ce qu’un bactériophage ?

Un bactériophage, également connu sous le nom de phage, est un virus qui infecte et tue les bactéries. Il possède du matériel génétique, qui peut être de l’ADN ou de l’ARN, protégé par une capside.

Lorsqu’il rencontre une bactérie, il interagit avec elle en se liant à des récepteurs spécifiques situés à sa surface. Il injecte alors son génome dans la cellule bactérienne. A ce moment-là, deux cycles de vie peuvent se dérouler :

  • Cycle lytique : les phages agissent comme un virus typique. Ils utilisent le processus bactérien pour se multiplier et libérer de nouveaux phages, entraînant alors la mort de la bactérie.
  • Cycle lysogénique : le matériel génétique du phage s’intègre dans le génome de la cellule hôte de manière à ce qu’il se reproduise sans la tuer. Ensuite, lorsque la bactérie se divise, elle fera des copies de son matériel génétique avec celui du phage. Ainsi, le phage se retrouvera dans les futures cellules descendantes.

Les phages sont des micro-organismes présents dans tous les écosystèmes de la Terre. On les trouve dans les océans, dans l’air et à l’intérieur du corps humain.

Ils régulent également les populations bactériennes. Grâce à eux, les microbiotes bactériens des êtres vivants restent stables et équilibrés.

De plus, ils sont considérés comme les organismes les plus abondants de notre planète. A tel point qu’en 1989 des scientifiques norvégiens ont trouvé 250 millions de phages dans un millilitre d’eau de mer.

Virus d'Epstein-Barr.
Les phages sont des virus qui infectent les bactéries, et pourraient être utiles pour combattre la résistance bactérienne.

L’utilisation des phages contre les maladies infectieuses

Ces particules sont utilisées depuis des années comme thérapie contre les épidémies. Félix d’Hérelle, microbiologiste, a été le premier à inventer le terme “bactériophage” qui signifie “mangeur de bactéries”.

Il a ensuite inventé la phagothérapie après avoir utilisé des phages pour traiter des infections bactériennes. Lors de l’épidémie de choléra en Inde en 1927, il a traité des patients avec des phages et a réussi à réduire le taux de mortalité, qui est passé de 60 % à 8 %.

De même, des années auparavant, en 1921, des phages ont été utilisé par voie orale chez des patients d’un hôpital parisien qui souffraient de dysenterie toxique. Ces derniers se sont rétablis.

Les phages ont également été utilisés pour traiter la fièvre typhoïde, les infections de la peau, des voies urinaires ainsi que l’otite externe. Un siècle plus tard, pourquoi ne pas les utiliser de nouveau pour tuer les bactéries multirésistantes ou comme substitut aux antibiotiques ?

La phagothérapie

Dans cette alternative aux antibiotiques, les phages sont utilisés dans l’objectif de tuer les bactéries à l’origine de l’infection chez un patient. L’une des exigences fondamentales est l’utilisation de phages lytiques, afin d’assurer la mort de la bactérie ainsi que l’élimination des composés bactériens toxiques.

L’usage de thérapies combinées de phages avec d’autres traitements, antibiotiques ou vaccins, est efficace pour réduire les probabilités de faire des résistances.

Pourquoi utiliser des phages ?

Il faut savoir que les phages sont des virus, et ne sont donc pas considérés comme des organismes vivants. Toutefois, il s’agit d’entités dynamiques. Le cycle lytique est la clé de la phagothérapie.

Quant à eux, les antibiotiques sont des substances chimiques qui agissent en perturbant les processus spécifiques des bactéries. Ils peuvent interrompre la synthèse des protéines ou la fabrication de la paroi cellulaire. Voici quelques-uns des avantages de la phagothérapie par rapport à l’usage des antibiotiques :

  • Spécificité bactérienne : les phages n’infectent que des souches bactériennes spécifiques, laissant les autres intactes. En effet, ils n’endommagent pas la flore du milieu dans lequel s’applique le traitement. Ils ne provoquent donc pas de troubles du microbiote tels que la diarrhée due aux antibiotiques ou la candidose des muqueuses.
  • Autodosing les bactériophages augmentent leur population là où ils infectent. Ainsi, nous n’avons pas à les administrer de manière répétée. En outre, les phages disparaissent automatiquement quand ils n’ont plus d’hôtes à infecter.
  • Des mécanismes d’action différents de ceux des antibiotiques : cela permet de traiter des maladies infectieuses causées par des bactéries multirésistantes contre lesquelles les antibiotiques ne sont plus efficaces.
Antibiotiques et bactéries.
La résistance bactérienne est la conséquence de l’utilisation abusive des antibiotiques.

Les futurs axes de recherche

La découverte des phages, il y a plus d’un siècle, nous a permis d’avancer dans la compréhension de nombreux processus biologiques, ainsi que de concevoir de nouvelles techniques génétiques. Ils sont de plus en plus utilisés et il est temps d’investir dans la recherche.

Comme pour les antibiotiques, l’usage des phages lytiques entraînent des pressions sélectives. Cela conduit à la prolifération de bactéries avec des mutations qui les rendent résistantes aux phages. Néanmoins, c’est un défi qui doit être étudié plus en profondeur.

Enfin, nous devons poursuivre les recherches pour combler ces lacunes et progresser dans l’usage de ces nouvelles thérapies. Et ce, dans le but de lutter contre la menace majeure que représente la résistance aux antibiotiques.


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