Deuil migratoire : gardez cela à l'esprit pour ne pas souffrir lors de vos déplacements

Souvent, nous oublions qu'abandonner notre pays, que ce soit par choix ou par obligation, implique de mobiliser des émotions aussi intenses que contradictoires. Nous vous parlons ici du deuil migratoire.

Rédigé et vérifié par la psychologue Maria Fatima Seppi Vinuales.

Dernière mise à jour : 01 mars, 2023

Les adieux d’Estela, qui avait décidé de quitter son pays pour tenter sa chance et s’épanouir professionnellement, étaient bien différents de ce qu’elle imaginait. Entre souhaits de réussite et félicitations pour son courage, certaines réclamations pour les avoir tous quittés et même des messages comme “tu ne seras pas là pour mon anniversaire, donc tu n’as pas besoin de commenter les plans” ont également fuité. Un deuil migratoire est une combinaison explosive d’émotions.

L’émigration nous oblige à faire face à nos propres attentes et à celles des autres. La culpabilité et les reproches apparaissent. Voyons ce que c’est et ce que nous pouvons faire à ce sujet.

Qu’est-ce que le deuil migratoire ?

Le deuil migratoire désigne le processus à partir duquel s’élaborent les expériences liées au passage d’une ville ou d’un pays à un autre. La situation change selon qu’il s’agit d’une migration voulue ou d’un départ forcé.

Il y a ceux qui peuvent prendre la décision de déménager dans une autre ville pour améliorer leur qualité de vie, mais il y a aussi ceux qui y sont contraints par des causes extérieures et parfois extrêmes : guerres, catastrophes naturelles. Dans les deux cas, il y a un deuil migratoire.

Voici quelques caractéristiques du deuil migratoire :

• Le sentiment est récurrent. Avec un appel ou une visite dans la ville d’origine, ces émotions peuvent être activées et des doutes quant à savoir si cela valait la peine de partir. L’ambivalence est également une caractéristique très courante. Par exemple, ressentir de l’espoir pour une nouvelle opportunité et de la culpabilité pour avoir quitté sa famille.
• Il couvre plusieurs aspects de la vie d’une personne. Contrairement au deuil qui suit la perte d’un membre de la famille, l’immigration implique de nombreux domaines, personnes et relations : amitiés, liens professionnels, statut social, coutumes culturelles, nourriture et même langue.
• C’est un deuil partiel, puisqu’il n’est pas irréversible. Dans de nombreux cas, il est possible de retourner au lieu d’origine. Cette idée a un effet calmant.

Le deuil migratoire présente-t-il des symptômes ?

Il est possible que oui. Toutefois, les symptômes varient d’une personne à une autre, mais il existe des symptômes communs.

Parmi eux, nous pouvons citer les suivants :

• Somatisations : éruptions cutanées ou taches sur la peau, enrouement, douleurs abdominales.
• Sautes d’humeur
  • Par exemple : passer de l’euphorie et de la certitude à l’insécurité et aux doutes, avoir une énergie écrasante, puis ne plus pouvoir rien faire.
• Anxiété, angoisse, irritabilité, mélancolie
• Sentiment de vide et de culpabilité
• Procrastination
  • Les décisions simples sont reportées, comme l’achat d’une lampe, car cela peut signifier s’enraciner.
• Difficultés à établir des relations

Comment faire face au deuil migratoire ?

Nous vous présentons ici quelques clés qui peuvent vous aider dans le deuil migratoire.

Accepter qu’il y ait des gains et des pertes

Il s’agit de reconnaître, à une dose juste et réaliste, que toutes les décisions ont leurs avantages et leurs inconvénients. Les points favorables apportent un soulagement et peuvent servir de force face aux difficultés. À leur tour, les points contre nous permettent de chercher des solutions.

Ne tombez pas dans l’idéalisation

Il est important de remettre chaque chose à sa place. L’émigration peut être une expérience intéressante, mais elle met également en jeu la capacité d’adaptation d’une personne.

Il est possible que le changement apporte de nouveaux et bons airs, mais il y a aussi une face B que beaucoup de personnes ne partagent pas. Par exemple, les délais administratifs et bureaucratiques pour certains permis, la recherche d’emploi, le sentiment de ne pas appartenir au pays.

Avant de partir, il serait essentiel de faire quelques recherches sur la destination. De cette façon, même s’il y aura quand même des facteurs que nous ne pouvons pas gérer, la situation sera moins inconnue et générera moins d’anxiété.

Acceptez le changement d’avis

Peut-être avez-vous fixé une date limite pour votre séjour ou pensez-vous que c’est pour toujours. La vérité est que tout voyage est transformateur et c’est aussi là que réside son potentiel.

Il faut accepter, recevoir les mains ouvertes et se montrer flexible. Nous devons nous permettre de changer, nous connecter avec ce dont nous avons besoin et ne pas nous en tenir à un plan original simplement parce que c’était notre première idée.

Demandez de l’aide

C’est très bien d’essayer de suivre vous propre chemin, mais il ne faut pas pour autant vous priver d’écouter les expériences des autres.

Aussi, le refus d’aide va parfois de pair avec le refus de créer des liens avec des compatriotes. Il est bon de vouloir s’ouvrir au monde et de connaître une autre culture, mais avoir des contacts avec des personnes avec qui vous partagez un code commun peut vous aider à te sentir un peu chez vous.

Ne laissez pas vos émotions en suspens

Dans une tentative de trouver un équilibre et de tout mettre en ordre, vous pouvez devenir hyperfonctionnel. En tant qu’automates, vous agissez, activez et faites.

Mais plus tard, vous vous rendrez compte du tourbillon émotionnel qu’impliquaient chaque décision et chaque étape. Il vaut alors mieux ressentir les émotions sur le moment.

La vie continue

Il est important de savoir que, tout comme vous allez donner un nouveau tournant à votre vie, les autres continueront avec la leur. Au début, les messages et les prises de contact sont fréquents, mais petit à petit, ils diminueront. Il est aussi possible que, si à un moment donné vous décidez de revenir, ni vous ni votre entourage ne serez plus les mêmes.

Évitez le déni d’identité

Choisissez quelques objets significatifs qui vous permettent de rester fidèle à qui vous êtes.

Nous avons tous droit à notre propre expérience

“Si tu es parti, ne te plains pas”. “Si tu as choisi de rester, ne te plais pas”. En fin de compte, il semblerait que quelle que soit la décision que nous prenons, il y aura toujours des contres.

Respectons et validons les émotions de toutes les personnes et comprenons que chacun suit son propre chemin. Souvent, nous sous-estimons l’impact que l’abandon des racines a sur la vie d’une personne. Cela nous empêche de développer des ressources pour faire face au deuil migratoire de la meilleure façon possible.

Parfois, nous nous retrouvons même à brandir une façade. Nous prétendons que tout va bien et cachons alors ce que nous ressentons vraiment.

Pouvoir donner une place au deuil migratoire n’est ni plus ni moins que prévenir les difficultés ultérieures et se connecter à la nouvelle étape que nous allons vivre ; avec toutes les nuances (bonnes et mauvaises) que cela implique. Au niveau du système de santé, il est important de rendre visible ce deuil, car il est souvent confondu avec d’autres diagnostics ou sous-estimé.