Qu'est-ce que la culture de l'annulation ?

Aujourd'hui, agir ou penser différemment de ce que l'on considère comme correct peut entraîner de graves conséquences. Surtout pour les figures publiques. Ceci viole la liberté d'expression et suppose un risque pour la société.
Qu'est-ce que la culture de l'annulation ?
Maria Alejandra Morgado Cusati

Rédigé et vérifié par la philosophe et psychologue Maria Alejandra Morgado Cusati.

Dernière mise à jour : 10 août, 2022

La culture de l’annulation est un phénomène récent. Elle consiste à retirer son soutien à des personnages publics ou des entreprises, en réponse à une action ou un commentaire considéré comme offensant ou inacceptable.

Les intentions de ce phénomène sont généralement louables, comme éradiquer les attitudes nocives ou criminelles. Néanmoins, les conséquences ont tendance à être cruelles, provoquant des dommages irréparables et disproportionnés aux personnes visées. Elle a même nui à des personnes qui n’ont pas commis de délit et ont juste pensé différemment.

Cela étant dit, la culture de l’annulation représente un danger pour la société. Par ailleurs, elle favorise l’intolérance, restreint la liberté d’expression et met l’intégrité en danger. Nous allons dès maintenant vous offrir plus de détails sur ce phénomène et voir les alternatives que nous pouvons développer pour éviter ses conséquences négatives.

Comment est apparu ce phénomène ?

On considère que l’une des premières apparitions de ce terme a eu lieu dans le film New Jack City, en 1991, quand l’un des personnages dit : « Annule cette p*te. Je m’en achèterai une autre ». Plus tard, en 2014, il réapparaît dans le reality show Love and Hip-Hop : New York, dans lequel un des personnages dit à l’autre : « Annulée ».

Cependant, Rommel Piña, directrice du département de journalisme de l’Université Finis Terrae, affirme que l’annulation est un phénomène qui existe depuis longtemps. En fonction de la génération on l’a appelée de différentes façons. Par exemple, à une certaine époque, on la dénommait loi de glace. 

La culture de l’annulation, telle qu’on la connaît aujourd’hui, a commencé à gagner en popularité sur les réseaux sociaux à partir de 2017, et surtout avec l’apparition du mouvement #MeToo dont le but était de dénoncer l’agression et l’abus sexuel, à partir des accusations contre le producteur de cinéma Harvey Weinstein.

Selon Rommel Piña, le phénomène maintient un lien étroit avec les réseaux sociaux et s’est popularisé à travers certains mouvements féministes. Ainsi, l’annulation est la forme la plus récente de protestation des internautes face à des faits, des commentaires ou des actions de figures publiques qui sont considérés comme inacceptables ou offensants.

Actuellement, la culture de l’annulation a des défenseurs et des détracteurs. Dans ce dernier groupe, nous retrouvons un groupe de 150 célébrités (dont J.K. Rowling, auteure de la célèbre saga Harry Potter) qui ont signé un manifeste contre ce phénomène en 2020.

Les réseaux sociaux.

Les réseaux sociaux ont accéléré la présence de la culture de l’annulation dans le monde, en facilitant le processus.

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Comment la culture de l’annulation affecte-t-elle la libre expression ?

La liberté d’expression est un droit humain, reflété dans l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Ainsi, toute personne est libre de penser et de s’exprimer librement par n’importe quel moyen, sans être ennuyée ou entravée.

La culture de l’annulation viole donc la liberté d’expression car l’émission d’un point de vue (considéré inacceptable) déclenche une série de réactions qui gêne et nuit aux penseurs.

La majorité du temps, ce phénomène a provoqué de graves conséquences pour les personnes touchées, incluant des moqueries publiques, des menaces de mort et une perte d’emploi. Dans ce dernier cas, il est habituel que le groupe offensé fasse pression sur l’entreprise dans laquelle travaille la personne pour qu’elle agisse. Si elle ne le fait pas, le groupe menace de boycotter l’organisation.

Ces réactions affectent aussi l’intégrité psychologique des victimes. Ceci peut déboucher sur des conséquences beaucoup plus graves comme le suicide. C’est pour cela que l’on appelle à être plus aimables et tolérants sur les réseaux sociaux.

La culture de l’annulation, en plus de nous rendre moins libres, nourrit le biais de confirmation. Celui-ci nous transforme en personnes moins rationnelles, plus intolérantes et réactionnaires.

Enfin, faire honte, censurer ou se moquer d’autres points de vue provoque l’effet contraire à celui recherché. En effet, les personnes touchées ne remettent plus en question la validité de leurs arguments mais leur propre liberté. Cette impression fait que les individus s’accrochent encore plus à leurs opinions et croyances.

Quelles alternatives existent pour la culture de l’annulation ?

Même si la culture de l’annulation a aidé à mettre en évidence la violence de genre, l’abus sexuel, le racisme et d’autres idéologies condamnables, il est aussi vrai qu’elle a nourri l’intolérance, la violence et la pensée unique.

En général, les personnes qui la soutiennent la considèrent comme une façon efficace de combattre des mouvements sociaux nocifs. Or, il semblerait qu’elle échoue dans cet objectif car elle crée une autre série de problèmes tout aussi sévères.

C’est le cas typique de celui qui cherche à combattre la violence avec plus de violence. Cela ne fonctionne pas car nous finissons par agir de la même façon que celle que nous voulons éradiquer, même si nos intentions sont nobles.

Discutez et écoutez ceux qui pensent différemment

Si quelqu’un commente ou réalise des actions légalement, invitez-le à justifier ses prises de position, argumentez les vôtres et remettez tout en question. Ceci vous aidera à comprendre ses points de vue et à apporter des versions plus informées de votre approche.

Par ailleurs, les deux parties pourront noter les défauts dans leur discours, ce qui contribuera à le renforcer ou à le changer.

Faites preuve de plus d’humilité et soyez davantage conscient de vos propres faiblesses

Aucun être humain n’est parfait. Il est malgré tout difficile de s’en rendre compte et d’accepter ses propres erreurs. Au lieu de cela, il est plus simple de montrer du doigt, d’humilier ou d’agresser l’autre qui se trompe.

Si nous acceptons le fait que nous sommes susceptibles de commettre des erreurs, nous ferons preuve de plus d’empathie avec ceux qui commettent des erreurs. L’important est que nous nous en rendions compte et corrigions cela.

Évitez de vous laisser porter par vos émotions

Il est très habituel que, face à un commentaire ou une action avec laquelle nous ne sommes pas d’accord, nous soyons réactionnaires et commettions des actions dont nous ignorons les conséquences.

Celles-ci peuvent parfois être graves. Par conséquent, dans de telles situations, essayez d’être rationnel et identifiez les solutions les plus adéquates.

Un débat entre des hommes et des femmes.

Le dialogue et le débat seront toujours des moyens assertifs pour rassembler des points de rencontre, plutôt que de critiquer et de juger.

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Identifiez les façons adéquates de rétablir une justice

La culture de l’annulation peut affecter n’importe qui, et bien souvent de façon injuste. Les conséquences sont souvent disproportionnées par rapport à l’action ou l’opinion émises.

Par ailleurs, la mauvaise interprétation du message dénature encore plus le phénomène, le transformant en un acte d’injustice.

Devant l’expression de quelque chose que l’on considère comme un délit (comme un abus sexuel ou des actes racistes), le mieux est d’identifier la meilleure façon d’établir une justice. Nous charger de la punition de l’autre peut être le pire moyen.

Penser différemment n’est pas un délit

Nous allons toujours nous retrouver face à des personnes qui ne pensent pas de la même façon que nous : il n’y a rien de mal à cela. Par conséquent, le fait que quelqu’un ait des opinions politiques, sociales ou culturelles différentes ne le rend pas inférieur à nous.

Cela ne signifie pas non plus qu’il mérite d’être victime de dommages irréparables. Face à des actes délictuels, l’idéal est d’établir des formes d’action qui contribuent à ce que les criminels assument les justes conséquences de leurs actes.

Aujourd’hui, le besoin d’établir ce qui est bien ou mal est devenu encore plus notable. Celui qui franchit ces limites, par conséquent, est annulé. Cette action ne conduira pas les gens à changer leur point de vue ; bien au contraire, elle augmentera la polarisation et le conflit. Le dialogue, le respect et l’intégration de points de vue semble être une meilleure alternative.


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