Qu'est-ce que le mal ? Une vision philosophique du mal
Le mal fait partie de ces concepts que nous savons très bien identifier dans la pratique, mais qui, théoriquement, sont difficiles à définir. Si on nous demandait de différencier les actions moralement bonnes et mauvaises, nous le ferions sûrement sans trop de difficulté, sur la base de valeurs et de principes.
Mais si on nous demandait de définir le mal sous forme de théorie, nous nous heurterions à quelques difficultés. C’est un concept complexe, dont la nature et les dimensions sont difficiles à définir.
Par conséquent, la notion de mal a une longue histoire de discussion philosophique. Certains aspects de ce phénomène font encore débat aujourd’hui. Cela dit, examinons ci-dessous certaines des théories philosophiques les plus importantes sur ce concept.
Qu’est-ce que le mal ?
Avant toute chose, il est important de souligner qu’il existe au moins deux concepts du mal : un concept large et un concept plus restreint. Voyons en quoi chacun d’entre eux consiste.
Le concept large du mal
Le concept large de mal englobe toute éventualité qui nuit à l’être humain ou lui cause de la souffrance. En ce sens, l’inconfort dérivé d’un mal de dents est tout aussi grave qu’une tromperie, par exemple.
Le mal au sens large a aussi été divisé en deux catégories : le mal naturel et le mal moral. Le premier comprend tous les états qui ne résultent pas de l’intention ou de la négligence d’agents moraux. Par conséquent, les accidents naturels et les maladies entrent ici comme des maux naturels.
Les maux moraux découlent, eux, des intentions ou de la négligence des agents. Par conséquent, ils incluent les actions humaines qui nuisent à l’autre, comme la tromperie ou le meurtre.
Cette notion a tendance à être utilisée dans des contextes théologiques et des discussions sur le problème du mal, reflétant la difficulté d’expliquer la nature du mal dans un monde créé par un Dieu tout-puissant et omniscient.La religion a une explication théologique du mal. La philosophie présente une vision beaucoup plus large.
Le concept restreint
Pour sa part, la notion restreinte de mal ne comprend que les actions, personnages ou événements considérés comme ignobles du point de vue moral.
En ce sens, le mal n’est attribué qu’aux agents moraux (les êtres humains) et à leurs actions. Il est souvent utilisé dans les contextes politiques et juridiques contemporains.
Les théories philosophiques du mal
Depuis l’Antiquité, divers philosophes de renom ont théorisé sur le mal. Voici quelques théories à ce sujet.
Le mal comme produit de l’ignorance
L’un des premiers philosophes à analyser le mal fut Socrate, qui attribua le mal à l’ignorance. C’est-à-dire qu’aucun homme n’agirait sciemment : il ne sait pas ce qui est bien et comment faire les choses en fonction de cela.
En ce sens, le méchant n’agirait pas comme tel s’il avait une véritable connaissance de son erreur. S’il savait que vivre selon ce qui est bien est la meilleure façon de vivre, il ne choisirait pas de faire le mal.
Dieu et le mal
Les théories philosophiques du mal ont commencé par des tentatives pour résoudre le problème du mal. C’est-à-dire que l’idée était de concilier l’existence du mal (au sens large) avec un Dieu ou créateur tout-puissant, omniscient et bon.
Une théorie qui fournit une solution au problème du mal est le dualisme manichéen. Selon ce point de vue, l’univers est le produit d’une bataille continue entre deux principes premiers égaux et éternels : Dieu et le Prince des Ténèbres.
De ces premiers principes, découlent de bonnes et de mauvaises essences, qui seraient dans une bataille constante pour la suprématie.
De leur côté, les premiers philosophes chrétiens, comme saint Augustin, ont opté pour le néoplatonisme. Ils ont défendu l’idée selon laquelle le mal n’existe pas en tant que substance ou propriété, mais plutôt en tant que privation de substance, de forme et de bonté.
Par exemple, le mal de la maladie consiste en la privation de santé. Le mal du péché consiste en la privation de la vertu.
Dans ces cas, Dieu ne crée pas le mal, puisque toute sa création est bonne. Par conséquent, le mal est l’absence d’être ou le manque de bien.
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Le mal : une qualité naturelle de l’être humain ?
Les êtres humains ont toujours eu un penchant pour le mal. En tant que société, nous en sommes venus à être fascinés et quelque peu curieux à propos des méchants. Cette attirance ou propension au mal a soulevé la question de savoir si le mal est connaturel à l’être humain ou s’il est une qualité savante.
Dans cet aspect, des auteurs tels que Niccolò Machiavel ou Thomas Hobbes affirment que les êtres humains sont mauvais par nature. Leur égoïsme et leur instinct de survie les amènent à assouvir leurs propres désirs au détriment de leurs pairs. Par conséquent, la loi et l’État deviennent nécessaires, des entités qui permettent de réguler le comportement des personnes pour le bien commun.
Kant affirme qu’il y a un mal radical dans la nature humaine. Ce qui implique que tous les êtres humains ont une propension à subordonner la loi morale à l’intérêt personnel. Et cette propension est radicale ou enracinée dans la nature humaine.
Pour Kant, la tâche de la personne bienveillante serait, selon son impératif catégorique, de donner l’exemple par des actions moralement correctes. Rousseau a une position contraire, défendant que les êtres humains sont bons par nature et que c’est la société qui les corrompt.
La banalité du mal
Au XXe siècle, Hanna Arendt propose une notion du mal associée aux groupes sociaux et à l’État lui-même. Ses réflexions émergent comme une tentative de comprendre et d’évaluer les horreurs des camps de la mort nazis.
Arendt soutient que le mal n’est pas naturel aux êtres humains et n’est pas non plus une catégorie métaphysique. Il serait produit par des personnes et ne se manifesterait que lorsqu’il trouve un espace institutionnel et structurel.
Selon Arendt, une caractéristique distinctive du mal radical est qu’il n’est pas fait pour des raisons humainement compréhensibles, telles que l’égoïsme. Il est simplement exécuté pour renforcer le contrôle totalitaire et l’idée que tout est possible.
Les composantes d’une action maléfique
De nombreux philosophes contemporains considèrent que la notion de mal est liée au concept d’action maléfique. En ce sens, ils défendent l’idée qu’une personne mauvaise est celle qui accomplit des actions mauvaises ou incorrectes. Mais qu’est-ce qui caractérise les mauvaises actions ? Certains théoriciens ont proposé les composantes suivantes :
- Présence de préjudice : Les mauvaises actions doivent causer ou permettre un préjudice important à au moins une victime.
- Motivation : On pense également que les actions perverses nécessitent une certaine intentionnalité ou motivation pour faire le mal. S’il n’y a pas une telle intention, il ne devrait pas être considéré comme un acte maléfique.
- Affect : il a également été dit que pour faire le mal, nous devons nous sentir d’une certaine manière ou avoir certaines émotions en agissant. Par exemple, Laurence Thomas croit que les malfaiteurs se plaisent à faire du mal ou ressentent de la haine envers leurs victimes.
- Responsabilité : Une mauvaise action est supposée être liée à un agent moralement responsable. Autrement dit, bien que les accidents naturels puissent causer beaucoup de dégâts, ces phénomènes ne peuvent pas accomplir de mauvaises actions, car ce ne sont pas des agents moraux.
Les mauvaises actions sont exécutées par des êtres humains intentionnellement, et génèrent de la souffrance chez la victime et du plaisir chez le malfaiteur.
Mais cette perspective d’action maléfique peut être remise en question. Par exemple, si nous essayons de faire exploser une bombe dans une pièce pleine de personnes innocentes, mais que la police déjoue la tentative, l’action sera-t-elle toujours mauvaise si elle n’a causé aucun dommage ?
Le mal est un concept complexe
Comme on a pu le voir, la notion de mal n’est pas facile à définir. Bien que de nombreux philosophes se soient consacrés à réfléchir sur ce sujet, les conditions nécessaires et suffisantes qui définissent une mauvaise action ou une mauvaise personne continuent d’être discutées.
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