Une nouvelle étude identifie les bactéries buccales qui peuvent favoriser le cancer du côlon

Des scientifiques espagnols ont découvert une bactérie qui se déplace de la bouche au gros intestin. Elle pourrait être l'un des facteurs à l'origine du cancer du côlon.
Une nouvelle étude identifie les bactéries buccales qui peuvent favoriser le cancer du côlon
Leonardo Biolatto

Rédigé et vérifié par le médecin Leonardo Biolatto.

Dernière mise à jour : 25 février, 2023

Il semblerait que des bactéries buccales favoriseraient le cancer du côlon. Le rôle d’une bactérie dans le corps humain peut être protecteur ou agressif. De plus en plus d’études attestent du rôle prépondérant du microbiote dans la santé.

Le microbiote est cet ensemble de micro-organismes qui coexistent avec l’être humain, parfois en équilibre, et d’autres fois moins. Notre relation avec l’environnement génère une colonisation progressive de la peau et des muqueuses.

Des chercheurs ont réussi à identifier des micro-organismes typiques de différents organes. Autrement dit, leur présence ne va pas de pair avec la maladie. Mais il y en a d’autres qui apparaissent dans des endroits où elles ne devraient pas.

Une nouvelle étude a confirmé qu’une bactérie appartenant à la bouche se développe dans la zone du cancer du côlon. Pourrait-elle être un agent causal de la maladie ?

La recherche espagnole qui a établi un lien entre des bactéries buccales et le cancer du côlon

Les membres de l’Institut de recherche biomédicale de La Corogne ont publié leurs résultats sur la plateforme Research Square. Là, ils commentent qu’une bactérie de la bouche habite également le microenvironnement autour du cancer du côlon de certains patients.

Après avoir analysé de nombreux échantillons différents, ils ont pu identifier Parvimonas micra dans les tumeurs intestinales. Ce micro-organisme avait déjà été détecté auparavant dans la salive et, plus précisément, dans les gencives de patients atteints de parodontite.

Lorsque les analyses ont été faites pour comparer les informations génétiques des bactéries de la bouche avec celles du cancer du côlon, une similitude de 99,2 % a été déterminée. Cela signifie que des colonies bactériennes de la bouche pourraient migrer vers le gros intestin, s’y installer et proliférer.

Le fait définitif qui relie P. micra au processus oncologique est que les personnes en bonne santé n’ont pas cette bactérie dans leur côlon. De plus, le microorganisme est métaboliquement plus actif lorsqu’il se trouve parmi les cellules malignes que lorsqu’il se trouve au milieu des tissus sains.

Ce que nous faisons depuis des années, c’est analyser les microbiomes des patients atteints de cancer colorectal. On sait depuis un certain temps que le microbiome interagit avec nos cellules et que dans certaines circonstances il peut favoriser des pathologies.

~ Marga Poza, chercheuse INIBIC ~
Le microbiote intestinal.
Le microbiote est presque considéré comme un organe de plus du corps humain.

Une ancienne et nouvelle connaissance

Parvimonas micra n’est pas une bactérie inconnue du monde médical. Ce coccus anaérobie à Gram positif est classé depuis des années parmi les agents présents dans la parodontite. Plusieurs de ses actions sont connues dans la dentisterie.

Moins fréquemment, la bactérie a été associée à l’arthrite septique, aux abcès cérébraux et même à l’endocardite. Ce n’est qu’en 2015 que sa présence a été documentée pour la première fois dans des tissus cardiaques infectés.

Une caractéristique de cette bactérie est qu’elle peut se joindre à d’autres bactéries différentes pour former des tas, des biofilms et des agrégations collaboratives. Elle le fait dans la parodontite et pourrait également le faire dans le cancer du côlon.

Les chercheurs soupçonnent que son voyage de la bouche à l’intestin ne se fait pas seul. Elle profiterait de sa capacité d’union pour se déplacer en groupe vers des zones éloignées du corps humain, créer un microclimat favorable et former de nouvelles colonies.

Les colonies de P. micra produisent différentes substances par leur métabolisme. Le simple fait de se développer les conduit à sécréter des molécules qui pourraient être nocives ou toxiques pour l’organisme hôte.

En fin de compte, on soupçonne que certaines substances présentes dans les micro-organismes déclenchent la transformation maligne des cellules humaines.



Les bactéries buccales ne sont pas les seules responsables du cancer du côlon

Il serait trop réducteur de dire qu’une bactérie est à l’origine du cancer du côlon. La science sait qu’il existe de multiples facteurs capables de déclencher un néoplasme.

Le microbiote est un élément de plus dans un réseau complexe de circonstances, de caractéristiques et de situations qui aboutissent à une tumeur. Pour le cancer colorectal, l’alimentation, le stress, la sédentarité et le patrimoine génétique sont des facteurs de risque.

Une hypothèse est que les bactéries présentes dans la bouche parviennent à se reproduire dans l’intestin lorsque les défenses sont réduites. Cet affaiblissement peut être dû au stress ou à une mauvaise alimentation.

Une fois la colonie de P. micra établie, il sera difficile de l’éradiquer. En combinaison avec d’autres micro-organismes, elle peut construire une véritable forteresse défensive pour empêcher la détection et l’élimination par le système immunitaire humain.



Elles ne causent pas de cancer, mais elles pourraient aggraver le pronostic

D’autres bactéries ont été trouvées dans les tissus du cancer colorectal. L’une d’elles est Fusobacterium nucleatum.

Cette dernière est associée à un plus mauvais pronostic. Cela signifie que les patients qui la portent dans leurs tissus malins vivent moins longtemps et répondent moins bien au traitement. Elle pourrait également être impliqué dans les métastases.

Ainsi, une bactérie peut non seulement favoriser le cancer du côlon, mais aussi être un facteur pronostique négatif. Bien que davantage de données soient nécessaires pour clarifier la situation, il ne semble pas improbable que les clusters bactériens contribuent à une maladie plus agressive et plus difficile à traiter.

Bactéries de la bouche qui migrent vers le côlon.
Les bactéries buccales ne se rendraient pas seules au côlon. Elles se retrouveraient dans des groupes d’espèces différentes.

Quelle est l’importance de la découverte ?

Le diagnostic précoce des tumeurs est une obsession de santé publique. Disposer de méthodes précises, précoces et spécifiques pour savoir si une personne est atteinte d’un cancer permettrait d’augmenter l’efficacité des traitements.

Pour Marga Poza, les bactéries sont de possibles biomarqueurs du cancer colorectal :

Une personne qui a cette bactérie dans l’intestin pourrait souffrir d’un cancer du côlon précoce ou avancé.

~ Marga Poza ~

Le développement d’un test de laboratoire ou de pratique ambulatoire qui certifie la présence de P. micra dans l’intestin ouvrirait la porte à l’initiation d’une détection approfondie chez ce patient. Et avec de la chance, une tumeur serait découverte à ses débuts, enlevée avec succès, il y aurait peu d’effets secondaires et la personne continuerait sa vie normale.

Nous vivons avec ces bactéries. Et elles peuvent nous dire des choses importantes sur notre santé. C’est pourquoi elles sont étudiées.


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