Psilocybine contre la dépression : quels sont ses effets ?

Des essais cliniques ont déterminé que la psilocybine a un potentiel en tant que traitement pour la dépression. Où l'obtient-on ? Comment l'utilise-t-on ?
Psilocybine contre la dépression : quels sont ses effets ?
Franciele Rohor de Souza

Relu et approuvé par la pharmacienne Franciele Rohor de Souza.

Dernière mise à jour : 24 février, 2023

Les effets de la psilocybine contre la dépression ont fait l’objet de recherches ces dernières années. Ce composé psychédélique est présent dans les champignons magiques (Psilocybe cubensis), dont il existe environ 100 espèces.

Une récente étude publiée dans la revue Nature Medicine suggère que cette substance a un potentiel thérapeutique contre les symptômes de la dépression majeure et d’autres troubles de l’humeur. Cependant, son utilisation est limitée par des problèmes juridiques et de sécurité. Nous vous donnons tous les détails ci-dessous.

Qu’est-ce que la psilocybine ?

La psilocybine est l’un des principaux composés des champignons magiques, avec la psilocine. Elle est classée comme un psychédélique, car elle provoque des hallucinations et d’autres effets psychoactifs.

Par ailleurs, c’est une substance à laquelle on attribue des propriétés thérapeutiques en raison de son effet stimulant sur le cerveau. Et bien que son utilisation provienne des traditions indigènes, ces dernières années, elle a constitué un sujet d’intérêt pour la recherche scientifique.

Les chercheurs ont pu observer que son assimilation contribue à la diminution de l’activité du cortex préfrontal médial et du cortex cingulaire postérieur, diminution qui contribue au contrôle des états dépressifs.

Dans l’ancienne médecine indigène, les champignons magiques à psilocybine sont séchés avant utilisation. Ils sont ensuite ingérés dans des mélanges à base de nourriture ou de boissons. Il faut compter 30 minutes pour qu’ils fassent effet, effet qui dure 6 heures au maximum.

Comme pour les autres types d’hallucinogènes, leur utilisation clinique est limitée par la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Cette substance fait partie des médicaments de l’annexe 1, qui avertit qu’il existe un risque élevé d’abus. Pour cette raison, son application médicale a longtemps été désapprouvée comme traitement aux États-Unis.

Malgré cela, ces dernières années, des études sur ses effets pharmacologiques ont refait surface. Les résultats ont montré qu’elle agit positivement contre la dépression, l’anxiété, l’anorexie, les troubles obsessionnels compulsifs et diverses formes de toxicomanie.

En raison des preuves recueillies lors de plusieurs essais cliniques, la Food and Drug Administration (FDA) a désigné la psilocybine comme une “thérapie révolutionnaire” pour la dépression sévère.
Psilocybe cubensis, dont dérive la psilocybine contre la dépression.
Psilocybe cubensis.



La recherche sur la psilocybine contre la dépression

Le potentiel de la psilocybine en tant qu’adjuvant dans le domaine de la psychiatrie est étudié depuis les années 1950. Depuis lors, les chercheurs ont observé que cette substance possède des qualités antidépressives, qui peuvent soutenir le traitement de divers troubles psychiatriques.

Les limites à la recherche ont commencé à apparaître en 1970, après que la substance a été inscrite à l’annexe 1 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Cela a limité le financement fédéral pour la recherche, empêchant pendant longtemps les essais.

Mais après une série d’expériences menées en 2012, le chercheur Robin Carhart-Harris et son équipe de l’Imperial College de Londres ont évalué le potentiel thérapeutique de la psilocybine. En 2016, des essais cliniques prometteurs ont été menés.

L’étude publiée dans la revue The Lancet Psychiatry a rapporté que deux doses de psilocybine, associées à une thérapie psychiatrique, peuvent réduire de manière significative les symptômes de la dépression. Il a également été constaté qu’elle provoquait des améliorations marquées et durables dans le traitement de l’anxiété et celui de l’anhédonie.

Les chercheurs ont examiné les effets de la psilocybine chez un groupe de 12 patients souffrant de dépression majeure (six hommes et six femmes). Tous ont reçu des doses orales de la substance, entre 10 mg et 25 mg, à 7 jours d’intervalle. De plus, ils ont reçu un soutien psychologique avant, pendant et après chaque prise. Les symptômes dépressifs ont été évalués entre 1 semaine et 3 mois après le traitement.

Les symptômes dépressifs avaient considérablement réduit chez tous les patients.

Des études récentes

Les études les plus récentes sur la psilocybine contre la dépression confirment son potentiel comme antidépresseur. Dans une enquête publiée dans Journal of Psychopharmacology, il a été rapporté qu’un traitement à la psilocybine favorise le soulagement de la dépression majeure, avec des effets qui durent jusqu’à 12 mois.

Pour sa part, le New England Journal of Medicine a révélé qu’une dose unique d’une version synthétique de la psilocybine était utile pour contrôler les symptômes dépressifs chez les personnes atteintes d’une version de la maladie résistante au traitement. Cette dernier survient lorsqu’il n’y a pas de réponse aux effets des antidépresseurs habituels.

Dans ce dernier essai, 223 patients ont participé. Des doses de 1 milligramme, 10 milligrammes et 25 milligrammes ont été administrées. En fin de compte, la dose la plus forte, 25 milligrammes, s’est avérée la plus efficace, pouvant faire effet pendant 3 mois.

Risques et effets secondaires de la psilocybine

Chez la plupart des adultes en bonne santé, la psilocybine est bien tolérée lorsqu’elle est utilisée dans des contextes contrôlés, à raison d’une odeux doses. Pour autant, il ne faut pas ignorer que cette substance peut provoquer divers effets secondaires. Ceux-ci peuvent être légers ou modérés :

  • Nausée
  • Paranoïa
  • Hallucinations
  • Mal de tête
  • Confusion et peur
  • Faiblesse musculaire
  • Hypertension artérielle
  • Manque de coordination
  • Altération du rythme cardiaque

Son utilisation n’est pas recommandée chez les patients atteints de maladies mentales, telles que la schizophrénie, car on craint qu’elle n’exacerbe les symptômes. Elle ne doit pas non plus être prise simultanément avec des médicaments sérotoninergiques et d’autres médicaments stimulants.

D’autre part, l’utilisation récréative des champignons magiques à psilocybine doit être évitée. Et ce, car la dose de cette substance peut varier d’une espèce à une autre.

Dans un environnement non contrôlé, ce type d’ingestion augmente les risques de réactions indésirables.

Enfin, il ne faut pas oublier que ces champignons présentent des caractéristiques similaires aux champignons vénéneux, ce qui augmente le risque d’empoisonnement et de conséquences plus graves, telles que des dommages aux organes ou même la mort.

Thérapie psychologique contre la dépression.
Dans un environnement contrôlé, avec une thérapie de soutien, l’utilisation de la substance peut être sans danger. Autrement, les risques sont importants.



Que retenir sur la psilocybine ?

Le potentiel antidépresseur de la thérapie à la psilocybine a été étayé par des essais cliniques récents. Même ainsi, il faut tenir compte du fait qu’il s’agit d’une substance dont les effets sont encore à l’étude. Il n’y a pas suffisamment de preuves pour le considérer comme un traitement de premier choix pour la dépression.

Actuellement, certaines entreprises développent des formes commerciales de psilocybine. Et bien que certains États américains légalisent son usage thérapeutique, la substance reste inscrite à l’annexe I du Controlled Substances Act.

Les experts avertissent que les patients souffrant de dépression ne devraient pas s’auto-médicamenter avec de la psilocybine en utilisant des champignons magiques ou des suppléments. En l’absence de contrôle posologique, le risque d’effets indésirables est élevé.


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