Philosophie de la médecine : pouvons-nous nous fier aux avancées ?
Beaucoup croiront que la médecine et la philosophie sont deux disciplines distinctes. La première cherche à guérir, ou du moins à soulager les maladies, tandis que la seconde analyse et systématise des notions très générales, telles que la réalité, la connaissance et le bien. Or, même si cela n’en a pas l’air, ces deux disciplines sont liées depuis l’époque d’Hippocrate (460 av. J.C. – 370 av. J.-C.).
Par exemple, la philosophie a fourni les instruments théoriques, méthodologiques et analytiques pour l’analyse des concepts médicaux (santé, maladie et soins) ; tandis que la médecine a fourni à la philosophie des sujets de réflexion critique (le débat éthique sur l’utilisation des animaux comme modèles pour l’homme dans la recherche biomédicale, par exemple).
Bien que certains auteurs aient nié l’existence de la philosophie de la médecine en tant que domaine d’étude distinct, nous disposons aujourd’hui de revues spécialisées, d’organisations professionnelles et d’une littérature académique considérable soutenant l’établissement de cette branche philosophique. Nous expliquons ici en quoi elle consiste et nous aborderons certains des sujets qu’elle étudie.
Philosophie de la médecine : en quoi consiste-t-elle ?
La philosophie de la médecine est un domaine de connaissances qui analyse les questions fondamentales de la théorie, de la recherche et de la pratique des sciences de la santé. En particulier, les questions métaphysiques, épistémologiques et éthiques.
Pour mieux comprendre cette définition, prenons en compte les domaines de recherche que la discipline devrait couvrir, selon le philosophe James A. Marcum :
- Le premier est l’ontologie de la médecine, qui aborderait des questions sur la nature de la médecine et des institutions de santé. Par exemple : Que signifie être médecin ? Quelle est la spécificité de la relation médecin-patient ? Quel genre d’entités sont les maladies ?
- Le second est l’épistémologie de la médecine. Par exemple : Quel type de savoir est le savoir médical ? Comment est-il construit ? Quel type de savoir est le savoir clinique ?
- Et le troisième est l’éthique de la médecine, qui consiste à s’interroger sur la régulation de la relation médecin-malade. Par exemple : Quels sont les objectifs et les valeurs qui doivent guider la pratique médicale ? Quelle a été la transition de l’éthique médicale à la bioéthique ?
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Les débats au sein de la philosophie de la médecine
Parmi les questions abordées dans la philosophie de la médecine, figurent les suivantes.
Comment définir la santé et la maladie ?
L’un des débats les plus anciens et les plus fondamentaux de la philosophie de la médecine est lié à deux concepts de base. La raison en est que la ligne de démarcation entre la maladie et la santé est notoirement vague ; en particulier en raison du large éventail de variations présentes dans la population humaine et en raison des débats sur la question de savoir si de nombreux concepts de maladie sont socialement construits.
Aborder ces distinctions reste épistémologiquement et moralement important, car ces définitions influencent le moment où les personnes recherchent un traitement médical.
Par conséquent, la définition de la maladie, de la santé et de leurs concepts connexes n’est pas une question de simple intérêt philosophique ou théorique, mais est fondamentale pour des raisons éthiques. Avant tout, il s’agir de faire en sorte que la médecine contribue au bien-être des personnes.
Médecine factuelle ou fondée sur la preuve (EBM)
La médecine factuelle ou EBM (evidence-base medecine) fait référence à un mouvement lancé au début des années 1990 par un groupe d’épidémiologistes de l’Université McMaster à Hamilton, au Canada. Ils ont réagi contre ce qui était perçu comme une confiance excessive dans le jugement clinique et l’expérience dans la prise de décisions concernant les patients.
Cette approche vise à optimiser les soins, en mettant l’accent sur l’utilisation des preuves et la recherche basée sur la méthode scientifique. Les partisans de l’EBM ont développé des hiérarchies de preuves, qui classent différentes méthodes de recherche en fonction de leur qualité revendiquée.
Bien qu’il n’y ait pas de hiérarchie universellement acceptée, les propositions donnent la priorité aux essais contrôlés randomisés et à leurs recherches. Alors que les études non analytiques, telles que les rapports de cas, et les avis d’experts sont parmi les moins fiables.
À cet égard, de nombreux philosophes ont mis en doute la légitimité de ces hiérarchies. Des questions ont également été soulevées quant au manque de fiabilité de la recherche médicale.
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Jugement clinique et rôle de l’expérience
Les hiérarchies de preuves dans l’EBM placent l’opinion des experts en dernière position. La raison en est que les épidémiologistes qui ont lancé le mouvement avaient de bonnes raisons d’être sceptiques à ce sujet. Lorsque les traitements sont systématiquement testés, la tradition et l’opinion des experts se révèlent parfois faussées.
Or, les erreurs d’appréciation sur l’efficacité des thérapies pour des raisons purement épistémiques ne sont pas la seule préoccupation que l’on puisse avoir à propos de l’opinion d’experts. Dans ce cas, les intérêts personnels du médecin peuvent influencer ses jugements et créer des biais dans sa pratique.
Par exemple, de nombreux médecins ont des liens avec l’industrie pharmaceutique d’une manière ou d’une autre. En effet, selon une étude, 94 % des médecins américains reçoivent des avantages financiers des laboratoires qui fabriquent des médicaments.
Par conséquent, il est valable de supposer que le marché influencera les recommandations de traitement. D’où l’importance de la médecine factuelle selon laquelle les décisions doivent être fondées sur les meilleures preuves disponibles. Dans ce cas, la recherche systématique.
Quand le jugement de l’expert acquiert plus de valeur
Cependant, la question est compliquée lorsque de nombreuses études systématiques au niveau de la population produisent des résultats qui ne sont pas directement applicables à des personnes particulières. Un exemple assez courant est celui des effets secondaires d’un traitement.
Dans ce cas, les résultats des essais cliniques peuvent indiquer qu’un certain médicament est efficace dans le traitement d’une maladie, mais les effets indésirables potentiels sont négligés.
Il y a plusieurs raisons pour lesquelles les études cliniques ne montrent aucune preuve d’effets indésirables. C’est peut-être parce que les personnes examinées dans le cadre du procès n’ont pas été suivies de manière adéquate ; ou encore parce que des effets indésirables ont été constatés mais non signalés ; ou encore parce que les effets indésirables n’étaient pas statistiquement significatifs.
Cela démontre que l’efficacité d’un traitement à soulager les symptômes d’une maladie n’est pas la seule considération dans la prise d’une décision thérapeutique. Dans ces cas, le jugement clinique de l’expert joue un rôle extrêmement important.
La validité de la philosophie de la médecine
La réflexion philosophique sur les questions médicales est extrêmement importante pour le développement de théories et de pratiques qui recherchent la santé et le bien-être des personnes. Il faut garder à l’esprit que les débats dans ce domaine ont contribué au développement de la médecine et de ses méthodes.
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